Portrait
par Maison Trafalgar
Stéphanie Vallé a très tôt épousé l’importance de certaines coutumes : petite, elle gambadait dans la ferme de ses grands-parents, parmi les poules élevées au grain, et perpétue à présent l’immanquable fête du pain de son héritage sicilien. Tout comme elle n’aurait pu se séparer du piano tchèque qui la suit depuis ses six ans, savourant le travail niché derrière chaque arpège, elle connaît la valeur de ce qui se protège
Son enfance bourlingueuse l’a ensuite menée par-delà l’Hexagone, pour rapporter dans ses valises plus que des langues étrangères. Dans un pays qui a fait du mot « scandinave » une signature, c’est à Copenhague que sa première année de master en management de l’économie créative fleurit. Elle qui était membre de l’association Design Danemark bien avant que le sujet n’arrive à l’ouïe de la France, porte toujours les boucles d’oreille marguerites dessinées par Georg Jensen.
Si c’est là qu’elle confirme son attrait, c’est lors d’un voyage à Venise que survinrent ses premiers émois, en s’aventurant dans les allées de la biennale d’art contemporain qui s’y tenait.
Et d’un saut cabotin, Stéphanie avait découvert l’île de Murano, les merveilles époustouflantes du verre soufflé. Une initiation sous l’égide de son professeur d’arts plastiques au collège, qui quelques années plus tard la conduisait à la rencontre de l’univers Hermès dont il était grand collectionneur. Il n’en faudra pas plus pour que Stéphanie s’imprègne de l’âme de la grande Maison, et envisage de monter un jour dans le duc attelé.
Après avoir rejoint à la vente la boutique lyonnaise de la rue Édouard-Herriot, c’est à Paris qu’elle démarrera dans le prêt-à-porter femme et les coulisses du mannequinat. La réalisation d’un rêve d’adolescent de travailler avec Jean-Paul Gaultier, alors directeur artistique. Passant au développement commercial de la maroquinerie, Stéphanie achèvera ces deux premières années d’apprivoisement dans la prévision des ventes pour le prêt-à-porter homme, la bijouterie et la soie.
Deux années à découvrir l’univers Hermès, elle fera alors le choix du développement des collections aux accessoires pendant huit ans, consacrant la réputation de celle que ses collaborateurs surnommeront « l’œil de lynx ». Implacable sur les coutures, elle n’hésitera pas à passer le chas elle-même, pour mesurer pleinement la précision des opérations. Une fonction si transversale que Stéphanie apprendra presque à voir à travers la matière et comprendra les subtilités de la fabrication, les intrications du métal et de la modélisation spatiale, les solutions fonctionnelles qui font qu’une pièce sera ou qu’elle ne sera pas.
Elle qui a pu œuvrer auprès de contributeurs reconnus, comme cet unique orfèvre du marquage à chaud, décidera de changer de cap pour déployer plus encore son action. Au détour d’un cours de broderie, avec une tutrice qui enseigne pourtant dans de prestigieux établissements londoniens, Stéphanie constate la fragilité de ces savoir-faire rares, qui peinent à vivre de leur art.
Pour apporter solidité et confiance à ces garants de l’excellence, l’entrepreneuse se lance en 2020 ; elle sera rapidement soutenue par le programme Ticket for Change et incubée chez Ronalpia. Elle qui s’impliquait déjà bénévolement dans différentes initiatives, Stéphanie accompagne depuis le Groupement des Meilleurs Ouvriers de France et multiplie les médiations culturelles. Grâce à sa connaissance de l’écosystème, elle se plaît désormais à épauler les artisans dans le développement de leur communication, dans la structuration de leurs collections, et dans la mutualisation de leurs ressources. L’esthète réalise plus encore la portée de sa démarche, lorsqu’un artisan galvanisé laisse les yeux des lycéens écarquillés devant le polissage d’une pièce en bronze ; lorsqu’elle aide un sculpteur à sécuriser son activité pour qu’il puisse exposer sereinement dans des galeries d’art.
À l’image de cette barbotine que les potiers concoctent pour assembler leurs morceaux, et créer le liant, Stéphanie rassemble les trésors à faire découvrir et ceux qui vont les acquérir.